PARFOIS en soirée, à l’heure bleue, je me balade, pas très loin de chez moi dans un petit bois entouré de prés à vaches.
Au premier contour, dans un champ en retrait, un grand cuisinier élève ses herbes aromatiques. Je le vois parfois passer en voiture noire, pressé, concentré. J’imagine son coffre rempli de cageots dans lesquels se froissent romarin, menthe, thym sauvage, livèche, peut-être même de délicates oxalis qui seront déposées à la pince sur les desserts, les entrées, apportant une note acide et anisée à qui osera les croquer.
En face, au-delà des barrières, un parc pour ânes dévale la pente jusqu’à la plaine du Rhône. Au loin, la forêt de Finges, les sommets rose, la cime pointue du Borterlhorn, le ciel large.
Nous poursuivons la route, mon chien et moi. Il saute dans un ruisseau, de la boue plein les pattes, déchiquette de longues herbes, sa passion. A chaque fois, je décide de lui laisser tout son temps et finis par tirer sur sa laisse. Allez hop.
Un arbre sec abattu, des cailloux, quelques pins. Cela sent le soir, les herbes piétinées, les troncs parcourus de résine chaude. Au bout du chemin, une clairière idéale pour les amoureux. Elle se termine par cinq peupliers trembles aux troncs gravés d’initiales et de cœurs transpercés. J’imagine l’amoureux.se revenir des semaines plus tard pour sculpter une flèche, essuyant ses larmes du bras. Ça passera, tu verras.
Au-delà des arbres, la grande prairie, d’autres montagnes parcourues de cascades. Nous revenons sur nos pas et rentrons chez nous au petit trot.
« Eh ! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
— J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages ! »
(Baudelaire, Petits poèmes en prose, 1869)
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